00 29/05/2005 13:07
Caro presidente,
le riporto qui sotto la seconda parte della lettera di Calier a Reymond. Buona lettura.
+] Il y a une chose que je ne comprends pas, dans ce que vous prétendez, au sujet de Billie Sol Estes. Vous dites que ses cassettes (enregistrements de conversations) l'ont protégé, et que sans elles, il aurait déjà été tué. Mais alors, pourquoi avoue-t-il la vérité et informe-t-il le public du contenu des cassettes en lançant ses accusations contre Cliff Carter et Johnson? Car cela revient au même, finalement. En clair, s'il parle, s'il vide son sac, il devient dangereux, et doit être éliminé. Normalement, ses cassettes ne le protègent plus dès lors qu'il livre ses secrets sur la place publique. De plus, comment expliquez-vous le paradoxe suivant? Quand Clint Peoples a un dossier qui prouve la participation du trio Wallace-Carter-Johnson à l'assassinat de JFK, "on" le tue et on récupère son dossier. Mais quand Billie Sol Estes Peoples a des cassettes qui prouvent la participation du trio Wallace-Carter-Johnson à l'assassinat de JFK, "on" le laisse tranquille, "on" lui laisse la vie sauve, et "on" ne fait rien. Vous ne trouvez pas ça bizarre? Vous trouvez cela crédible? Vous voulez vraiment que vos lecteurs trouvent ça crédible?

+] J'ai regardé avec attention le documentaire de Canal +. Trois choses, parmi d'autres, m'ont frappé.
---> 1. Tout d'abord, il est question, au début du reportage, de "témoins accourus sur les lieux [qui] retrouvent des balles perdues dans l'herbe", témoins qui auraient été volontairement écartés par le FBI. QUOI ? ! ? ! Des balles perdues dans l'herbe ? Mais c'est complètement nouveau, ça. Et c'est une information d'un extrême importance ! Malheureusement, c'est juste une phrase, lancée comme ça, sur laquelle votre documentaire ne revient pas. Qui sont ces témoins ? Où sont les balles ? Quelles preuves avez-vous ? Nous ne le saurons jamais. Et c'est fort dommage. Car justement, c'est cette absence de toute balle qui rend peu crédible la thèse du tireur de face. Or, en disant cette phrase, le reportage laisse entendre que le FBI a caché un élément déterminant dans l'analyse du crime. Et que vous avez découvert un élément nouveau. Mais ce stratagème est malhonnête. Jamais personne n'a trouvé de balle dans l'herbe. En d'autres termes, les éléments physiques concrets retrouvés sur Dealey Plaza rendent compte de trois balles, pas une de plus, jusqu'à preuve du contraire. Alors, si vous affirmez le contraire, allez-y, prouvez-le (j'attends vos éléments avec impatience).
---> 2. Deuxième chose, l'un des points les moins probants de tous ceux que vous relevez, c'est le moment où le policier Jay Harrison vous montre un échange de courriers entre Hoover et Wallace. Il parle de deux lettres. On s'attend à apprendre qu'elles contiennent des éléments soutenant votre théorie. Pas du tout ! En fait, rien n'est dit sur leur contenu, mais seulement sur leurs dates d'envoi. On croit rêver. Quelle foutaise ! Vous tirez un peu trop sur la corde… Un conseil ; si vous n'avez rien, ne dites rien. Mais des dates d'envois de lettres (alors même que vous ne donnez aucun élément de comparaison), ça ne prouve strictement RIEN. C'est vide !
---> 3. Enfin, troisième chose, la fameuse lettre de Jack Ruby, récupérée par le policier Al Maddox (le documentaire de Canal+ prétend que c'est un "document inconnu à ce jour", mais c'est inexact, car pour ma part j'avais déjà appris son existence en 1996). Là, on se demande si c'est un excès de crédulité ou un manque de travail de vérification qui vous fait commettre un contresens. Vous prétendez que Ruby écrit qu'il a fait taire Oswald. Encore une fois, vous omettez de replacer l'élément dans son contexte. Vous auriez dû produire, de façon claire et lisible, la totalité de la lettre. Pourquoi ne l'avez-vous pas fait ? Vous auriez dû également parler de Ruby, de ses déclarations, et de son état mental à la fin de sa vie. En réalité, Ruby s'est plaint que les gens disaient qu'il avait fait taire Oswald. Votre travail est bâclé. Des telles erreurs ne peuvent que vous desservir. En êtes-vous conscient ?


+] Vous introduisez un nouveau personnage du nom de Ligget, un homme qui aurait maquillé le corps de Kennedy. Inutile de dire que c'est la partie la plus faible de votre thèse ; en effet, vous lancez juste une supposition que vous n'étayez pas le moins du monde. Vous dites simplement qu'on est venu le chercher au cimetière à Dallas et qu'il s'est absenté sans dire où il était allé. C'est vraiment peu. Vous ne parlez à aucun moment de Lifton dans le reportage ou votre livre. Or, comment ne pas le mentionner, si on aborde l'hypothèse d'un maquillage du corps ? Et vous n'expliquez pas comment ça se serait passé avec Ligget. Où est allé Ligget ? Comment ? Qui l'a vu ? Or, Ligget était à Dallas. Impliquez-vous que le maquillage a eu lieu à Dallas ? Impossible, il n'avait pas le temps matériel. Et comment, avec de la cire ? Et personne ne s'en serait aperçu à l'autopsie, même pas le médecin personnel de Kennedy ? C'est plus que dur à croire. Dans le même domaine, Paris Match montre une photo et une radio du cadavre et implique qu'elles sont contradictoires. Cela a déjà été maintes fois dit. Robert Groden conclut que les documents sont truqués. David Lifton conclut que le corps est "maquillé". Vous leur emboîtiez le pas à tous les deux, aux dernières nouvelles. Mais le problème, c'est que ni vous, ni Groden, ni Lifton, à ma connaissance, n'avez de diplôme de médecine spécialisée ni de radiologie. Or, les médecins et experts qui se sont penchés sur la question (Wecht, entres autres) ne voient pas de contradiction entre ces documents... Alors ?

+] Il n'y avait pas d'empreinte de Wallace sur le fusil d'Oswald. Vous l'admettez, je pense. Or, Il semble qu'il y en ait une sur un carton. Est-ce à dire que Wallace a mis des gants pour tirer, mais a oublié de les mettre quand il a touché le carton? Et où sont ces gants, au fait? Car il a été prouvé que les balles ont été tirées du fusil d'Oswald à l'exception de tous les autres. C'est scientifique. Comment expliquez-vous cela? Ou alors, Wallace n'a pas tiré. Et puis, une question me vient à l'esprit. Les empreintes digitales n'ont été identifiées qu'en 1998. Or, pendant toutes ces années, c'était des empreintes non-identifiées mais on connaissait leur existence. Mais alors, Johnson devait se douter que c'était celles de Wallace. Pourquoi ne les a-t-il pas fait disparaître? Pourquoi n'a-t-il pas demandé à Hoover de les enlever du dossier, puisqu'il savait que c'était celles de Wallace, son complice? Pourquoi les laisser là jusqu'à ce qu'elles risquent d'être identifiées? Vous ne répondez pas à cette question. Et puis, réfléchissons encore sur cette idée. En supposant que Johnson ait eu l'envie de faire assassiner Kennedy et ait lancé ce projet macabre, aurait-il été assez idiot pour risquer de se faire confondre, en envoyant un homme qu'il connaissait, ou par qui on aurait pu remonter jusqu'à lui? Ce n'est plus de l'imprudence, ni de la mauvaise organisation, mais de l'inconscience! Quoiqu'il en soit, sur ce sujet, il serait quand même bon de ne pas oublier une chose importante ; le FBI, mis au courant de ces empreintes, et après les avoir examinées, a affirmé qu'elles n'étaient pas celles de Wallace. De plus, d'autres spécialistes des empreintes digitales ont confirmé les conclusions du FBI, et donc contesté celles de Darby. En clair, ces spécialistes démentent que ces empreintes soient celles de Wallace. Je me garderais bien de donner mon avis, n'étant pas spécialiste du tout de la question, mais l'honnêteté vous oblige à dire à vos lecteurs que la version que vous défendez — que les empreintes retrouvées sont celles de Wallace — est contestée par des gens compétents.

+] Et surtout, pourquoi Johnson aurait-il tué Kennedy? Comme le disait mon professeur en DEA, il n'y a pas eu de changement radical de la politique américaine après la mort de Kennedy. Il n'y pas eu de coup d'état, avec un changement de régime, qui nécessitait la mort de l'ancien président. Non, Johnson a gardé les principaux collaborateurs de Kennedy avec lui. Et pour beaucoup, en politique intérieure, il a appliqué le programme de JFK, allant même plus loin en matière de droits des minorités (allant à l'encontre de la volonté des durs du Texas, d'ailleurs). Alors, qu'est-ce qui a changé entre JFK et LBJ ? La guerre du Vietnam? Oui, mais les plus grands historiens sérieux s'affrontent sur quelle aurait été l'attitude de Kennedy devant la guerre du Vietnam. Il est mort, et donc on ne peut que spéculer. Comme le dit Salinger, Johnson était face à une situation différente de celle que connaissait Kennedy. Les choses avaient changé. Cela s'est passé comme ça, mais on ne saura jamais si ça aurait été mieux ou moins bien avec JFK. Johnson a subi autant qu'il a choisi. Il est faux et trop simpliste de dire que Johnson a fait la guerre au Vietnam alors que Kennedy ne l'aurait pas faite. Donc, on en arrive à se demander quels sont les motifs de Johnson pour faire tuer Kennedy? Ou alors, c'est juste personnel ; il voulait être président tout de suite. D'accord. Mais comment a-t-il fait, alors, pour convaincre des tueurs (et tous les autres complices) de prendre des risques pour lui. Qui a été assez fou pour sacrifier sa vie pour que le vice-président, très ambitieux, devienne vite vite vite président ?... Et ils ont dû être nombreux, ces fous, pour réussir à tuer sans se faire voir, cacher la vérité, mettre l'enquête en défaut, etc. etc. Cent personnes au moins, toutes placées à des postes clés, qui ont pris des risques infinis, non pas par intérêt pour eux-mêmes, mais pour faire plaisir à LBJ, qui voulait être président sans attendre ! Quelle bonne raison ! Quel scénario crédible ! Mais Johnson est mort. Il ne peut plus se défendre. Que reste-t-il ? Un aveu de Johnson? Une lettre de sa main qui prouve son implication? Non, rien de tout ça. L'enregistrement que possède quelqu'un (Sol Estes) de quelqu'un d'autre (Carter) qui parle d'un autre (Johnson). C'est peu... Et Oswald, dans tout ça? Dans votre scénario, Wallace est donc présent avec Oswald au 5e étage du dépôt de livres? Donc Oswald a vu Wallace. Donc Oswald comprend que Wallace tue Kennedy (ou tout au moins tire sur lui). Et quand Oswald est arrêté, pourquoi, à aucun moment, ne dit-il pas qu'il a vu le vrai tireur? Pourquoi ne dénonce-t-il pas Wallace ? Car Wallace n'est pas son ami ; ils ne se sont jamais vus. Et même si Oswald est -- ce que je ne crois pas -- un agent secret chargé de surveiller ce qui se passe, il sait bien que Wallace n'est pas de son service, et encore moins un agent ou son supérieur. Donc il n'a pas à le protéger. Alors, pourquoi ne l'empêche-t-il pas de tirer, ou ne le dénonce-t-il pas ensuite? Pourquoi Oswald ne dit rien, alors qu'il voit bien que c'est lui qu'on accuse, c'est lui qu'on désigne comme coupable, c'est lui qui risque la chaise électrique pour avoir tué le président. Faut-il croire que Oswald, pauvre employé du dépôt de livres, voit un inconnu tirer sur le président, puis se fait arrêter par erreur, et choisit de ne rien dire, à ses risques et périls? C'est ridicule et idiot. Alors? De plus, on peut se poser la question de ce que Johnson avait à gagner contre ce qu'il avait à perdre, s'il organisait la mort de Kennedy? Il était déjà vice-président, et s'il était patient, il lui suffisait d'attendre cinq ans pour être président (comme pour Georges Bush Senior, vice-président de Reagan avant de devenir président lui-même). Mais s'il organisait la mort de JFK, et s'il était découvert, alors il allait tout droit à la chaise électrique, avec un déshonneur terrible. Pensez-vous qu'il était si assoiffé de pouvoir pour risquer cela? Cinq ans de patience, quand on est déjà vice-président, ce n'est pas insurmontable. C'est mieux que de vivre toute sa vie avec l'angoisse de finir sur la chaise électrique. Johnson était un être humain, fait de chair et de sang, et non pas je ne sais quel personnage inventé de roman policier. Il ne faudrait pas l'oublier.

+] Monsieur Reymond, vous êtes jeune, énergique. Je n'ai rien de personnel contre vous (même si par le passé vous avez refusé de débattre contre moi). Je vous laisse le bénéfice du doute ; peut-être avez-vous raison ; peut-être avez-vous trouvé le coupable, après tout. (Enfin, ce serait plutôt Nathan Darby et Barr McClellan, mais bon). Personnellement, après des années de recherche, et après avoir lu à peu près tout ce qu'il était possible, je crois à la culpabilité d'Oswald. Mais je n'ai rien à vendre ni à défendre (si ce n'est le bon sens, l'esprit critique, l'objectivité et l'honnêteté). J'envisage tout à fait la possibilité d'être convaincu demain que je suis dans l'erreur depuis des années. Je n'hésiterais pas à avouer publiquement que je m'étais trompé, si c'était le cas. Si Johnson est coupable, moi, ça ne m'enlève rien. Mais je dois vous dire que vous n'avez pas été convaincant jusqu'à présent. Votre dernier livre (ainsi que le documentaire de Canal+ l'accompagnant) ne sont pas satisfaisants, loin s'en faut. Vous n'avez pas du tout réussi à prouver votre thèse. Vous avez laissé trop de questions sans réponses. Je reste donc sur mes positions, et je prends le public à témoin. J'invite toutes les personnes intéressées par l'assassinat de Kennedy à lire cette lettre ouverte et à nous donner, à vous et à moi, en toute objectivité, leur avis. Et pour tout vous dire, j'ai peur pour vous ! Oh, bien sûr, je comprends que, comme vous obtenez du succès en écrivant des livres criant au complot, vous n'ayez pas très envie de tuer la poule aux œufs d'or en vérifiant trop scrupuleusement vos théories, ou en débattant objectivement avec des personnes capables, au risque — peut-être — d'avoir à constater que vous vous êtiez trompé. C'est une réaction humaine… Mais bon, il reste quand même des gens, parmi vos lecteurs, qui gardent une idée en tête : savoir la vérité. Ils aimeraient que vous les aidiez. Montrez-nous qu'ils ne sont pas naïfs à l'espérer !
Francois Carlier





Diego Verdegiglio